
Fatiha Morchid
Waraqun Achik (Feuillets Passionnés)
Poésie,
1ere Edition, Dar Attakafa, Casablanca 2003.
2eme édition paru dans les deux langues arabe et française. Traduction francaise de Touria Ikbal, Editions Marsan, Rabat 2008. (voir livres traduits)
Un des poèmes du recueil :
Feuillets passionnés
1
Enceinte est la coquille de l’âme
Entre l’encre et moi
Un océan
de douleurs d’enfantement
S’en libérer, comment?
Quand le voilier du cœur
n’est que papiers
par vent éparpillés
2
Je trébuche
Dans les pans de la nuit
Des lettres du corps
je tisse
un voile
pour me protéger
de ton froid
Ô étoile filante
Tous les sentiers de l’âme
mènent à toi
et chaque fois
que j’ouvre
une fenêtre
derrière mon cœur
les chemins se détournent de moi
pérégrinant
vers toi
Ô joueuse
des marées de mon sang
telle une île lointaine
Reviens
au rivage des rêves
Mouette
Reviens coquille
Reviens vague
et brise toi
nue
sur les fêlures du cœur
tel un voilier
Promis au vent
3
Âme dépouillée
Mains nues
à toi je viens
couvre moi
de tes cils
Quand la passion me prend
Nourrisson je deviens
enlaçant l’univers
dans une paire de seins
4
Envoûté
j’ai déployé mes ailes
au vent
pour étreindre
tes nuages
Ô femme
Donne moi
une raison
pour me préserver
des évasions
du cœur
Et prête moi
une main
pour décamper
toutes les voies
du sucré en toi
Ô femme
Amère
5
Ô femme aux yeux rêveurs
Je rêve…
de contenir ma fougue
vers le cocon de séduction
en toi
je me faufile
au plus profond de la nuit
vers ton âme discrète
espérant
y hasarder celui
qui t’inspire
ma torture
Où le dissimules-tu ?
et où s’estompe mon ombre
à sa rencontre?
6
Dans la pénombre de la cohue
je distribue les pas
au pied levé
Je titube
tel un enfant qui apprend
à marcher
Comme lui
je cherche un giron
qui amasserait
mes heurts
Exorbitant
est Le prix de mon incandescence
en toi…
à la recherche
du sort de mon rêve
7
De mon cou
j’arracherai
le talisman de ton amour
et jetterai
mes poèmes
à la mer
Aux sept vagues
je me laverai
Un coq
je sacrifierai
le charme des étoiles
je romprai
Ô Madame
et les ombres des vignes
je conjurerai
Puis
je dégringolerai
au cœur
de mon affliction
pleurant
ma guérison
8
Tu m’es revenue
Tu as défait les voilages de mon âme
et les fils du soleil ont repris
à tisser sur mon oreiller
un linge
de fleurs sauvages
Les épines me rappellent
une barbe négligée
Peu importe
je me laverai dans tes yeux
9
Enraciné dans la défaite
Je ne suis guère offusqué
Ô femme
d’être vaincu en toi
Tes lèvres
La plus délicieuse des batailles
10
Tu es partie
ton parfum a conquis l’espace
Comment le fuir?
quand tes souffles emplissent
les miens
Tu es partie
La chaleur du fauteuil
me demande d’après toi
le reflet du bougeoir
et un verre de café..grisé
soliloque tes lèvres
11
Nos adieux consommés
je te retrouve dans mes profondeurs
un canot de sauvetage
traversant le vide
dans l’attente
du retour du sens
au sens
en ta présence
12
Je détourne le regard
du soleil
Je m’enfonce
sous les nuages
berçant l’ombre
d’un poème
pour une dame
dans l’absence
Je sirote
amèrement
mon café
Entre les lignes
d’un journal
je cherche
une nouvelle
qui éveille
mon étonnement
Je chevauche
la lente journée
Une fulgurante mélodie
m’intercepte
Une vision
me poursuit
je passe…
par le lieu de notre unisson
un baiser
aguiche
mes pleurs
Le soir venu
je me drape
de la noirceur de tes yeux
et je rêve
de la lune
13
Ton absence me parvient
au rythme de Mohamed Abdelwaheb
Je fredonne
’’ Non.. Ce n’est pas moi qui pleurerait’’
Une larme
me défie
14
Sur le flanc
de cette montagne
Entre les arbustes du désir
surgit
la fumée
de mon effroi
pour toi
Le bruissement d’un fleuve mélodieux
me provoque
Le frôlement d’un osier somnolent
me perce les tympans
Je n’entends
que des lamentations
Un jour de plus
sans l’éclat de tes yeux
se dissipe
en s’excusant
comme si c’était l’impossible
15
Les flammes du soleil
s’éteignent
sur un jour
sans rendez-vous
Le goût des cendres
me submerge
Sur ma poitrine
blêmit
ta chemise blanche
tandis que s’obscurcit
la noirceur de l’attente
J’implore
une plume de feu
de verser
ma froideur
de toi
Le vertige
m’enveloppe
lorsque..
le soleil fait un clin d’œil
à mes brouillons
16
Je jette mon regard
dans l’étreinte des vagues
L’arcane se ressource
et vers toi
l’aveu
vogue
Amer est l’isolement du navire
violente est cette immensité
et débordante..
ma soif
pour toi
17
Chaque fois
que mon cœur frémit
de bonheur
le chagrin
se blottit
dans mes profondeurs
Telle est ta présence..
soleil couchant
envoûtant
émouvant
18
La nuit s’amène
Débusquant
l’espoir
de rencontrer
la lune
A travers
les orifices de l’âme
je vis l’image
d’un nuage chatoyant
traversant le ciel
là où l’eau est mirage
et où l’oreiller est éloigné
La nuit s’amène
débusquant
l’espoir
de rencontrer
la lune
emplissant d’ennui
l’horizon humecté
verrouillant
les issues du vent
chargé
du parfum
des baisers
Je couche par écrit
ce que je n’ai pas encore
lu de ton corps
sur les feuillets du désir
en attendant
le premier souffle
de l’aurore
19
Seule
tu as pu incarner
toutes les femmes
que j’ai aimées
et toutes celles dont j’ai rêvé
qu’elles piétineraient
du haut de leur talon
mes voluptés
Seule
Ô senteur
totalisant
les parfums des roses
Ô essence de mille grappes
tu as trôné sur mes fêlures
et bruiné
l’été
de mes soirées
20
Assoiffé
Ô déverse-toi
limpidement
dans les pores de mon âme
je me prosternerai
par vénération
Ne suis-je pas d’un pays
qui glorifie
les précipitations ?
21
Ton odeur se tapit
sous les couvertures
et au pied du lit
s’étendent
tes petites choses
me protégeant
en ton absence
des tentations
de Morphée
22
Il a ’’des droits’’..
sur toi
quand je n’ai que mon cœur
Ne me blâme guère
Ô Madame
si un jour
tu découvres
sous ta couche
mes pulsations
23
Depuis que j’ai su
ta nuit solitaire
Madame
je n’ai eu de cesse
de jouer des étoiles
et de danser avec la lune
24
Chaque fois
que le cœur s’ennuie
dans les ténèbres des nuits
et que l’attente de la lumière
accable les yeux
je meuble l’obscurité
de l’immaculé du souvenir
et promets à la pleine lune
l’approche des retrouvailles
25
Pour moi
tu as été
plants
poussant dans mon ombre
Avec mes cils
je peignais la terre
et l’arrosais
de ma soif ardente
Serai- je injuste
si je me dressais
contre les vents
qui dévoileraient
Tes fruits !
26
Le souffle de mes cris
fera trembler
tes arbres sourds
et ta branche sauvage
frissonnera
sous mon ombre
Le jour où je tomberai dans l’oubli
l’écho fera tomber
le reste
de tes feuilles vierges
27
Je l’ai aperçu
se laver dans tes yeux
alors que nous désemplîmes
verre après verre
fêtant
le retour de la pluie
Tu m’as mis en garde
des fragments
d’un verre qui me tomba
des mains
Ne t’en fais point
le sang a séché
dans mes veines
28
Les malles du cœur
sont faites
Ne t’accroche pas
à un sourire ..
incapable
de dissiper le brouillard
d’une rencontre
au goût des adieux
L’instant
ne m’affectera guère
J’ai rendez vous
avec la lune
29
Le ciel me bouderait
si je dispute
la nuit de tes yeux
Mon ombre me fuirait
ainsi que la lumière
Si je dévoile
Les fêlures
de mon cœur
on s’étonnerait
de la véhémence
de ma patience
30
Chaque fois que je cherche
un sort pour mon rêve
tu retires le sommeil
sous mes cils
Une larme
lave les restes d’une torpeur
et l’insomnie
en blanc nuptial
épouse
ma nuit
Qu’en serait-il
si le cœur de la nuit
était plus doux..
que celui
de ma bien-aimée ?
31
J’ai pourchassé un rêve
qui m’a ôté le sommeil
et quand à l’aube
il m’enlaça
peu m’importa
son étreinte
après le plaisir de sa conquête
32
Je porte
ton tatouage
dans les replis du cœur
comment s’éteindrait
celui qui naît
à chaque pulsation
Si une partie de moi
s’éloigne
une autre
à la nostalgie du tatouage
aspire
aux piqûres des aiguilles
Turbulent
était mon cœur
Incorrigible
il restera
33
Si
comme ton amour
la poésie
ouvrait une brèche
dans les ténèbres
combien me faudrait-il
de mu’allaqât*
pour vaincre
cette obscurité?
34
Qu’en serait-il
si je m’abandonnais
à la poursuite
de l’ombre du vide
en moi
engloutissant
le peu de lumière
de mon attachement
pour toi
Qu’en serait-il
si je m’abandonnais
à une mort douce
entre tes feuillets
Qu’en serait-il
si je m’abandonnais
à mon incapacité
d’attiser
l’ardeur d’un amour
qui s’éteint dans ma main
et m’isolai
dans le cocon
de l’oubli
35
Il ne reste
de la fascination du début
que quelques lettres
et l’écho d’une joie
crucifiée
par les épingles
du mur
et le sifflement d’un train
sur le récif de la fin
36
Sur des sables
ayant un jour
caressé ses pieds
je passe..
les vagues agonisent
sur les traces
des pas
et le cœur flotte
au rythme de son souvenir
37
Ton charme rompu
j’ai la nostalgie
Madame
des journées amulettes
m’enveloppant
de toiles d’araignée
pavanant dans un somme
sous les enclos de ma retraite
savourant
ma faiblesse et mes doutes
égrenant
ton nom
au chapelet
Madame
Ton charme rompu
j’ai la nostalgie
Madame
de ma mort